Quelque chose ne va
pas dans la politique française, l'absence d'une véritable droite. Nous
tombions d'accord, mercredi, avec Philippe Marini, sur la possible absence, à
la présidentielle de 2017, de tout candidat qui s'en réclame franchement, quand
tout le monde revendique la gauche, le centre ou le « ni droite – ni
gauche ». Une telle absence, politique mais aussi intellectuelle et même
culturelle, ne peut que creuser chaque année davantage la plaie qui sépare le
pays légal et le pays réel, dont une majorité est sans complexe « de
droite » sans trouver une véritable traduction politique. M. Hollande est
le symbole de ce hiatus plus grave qu'on ne croit, et qui se mesure à l'écart
entre la grande masse des Importants qui l'ont fait élire et sa très faible
popularité actuelle – entre 12 et 17 % de « côte de confiance ».
Cela vaut un coup d'œil rétrospectif
sur l'élection présidentielle de 2012 – comme d'habitude, les plus criantes
vérités n'apparaissent qu'après-coup. Au second tour, François Hollande reçut
le soutien de quatre des sept disqualifiés du premier – si l'on compte Philippe
Poutou, qui ne le fit certes que du bout des lèvres, mais Jean-Luc Mélenchon le
fit plus nettement, et de même François Bayrou, outre bien entendu Eva Joly ;
son adversaire, Nicolas Sarkozy, ne reçut le soutien de personne. Mieux, des
caciques de la prétendue « droite » se sont prononcés pour François
Hollande – et non des moindres, si l’on compte Jacques Chirac en personne, qui
non seulement fit savoir un jour en Corrèze qu’il soutiendrait le maire de
Tulle – soutien qu’il formula d’une bien étrange manière : « j’aime
bien Juppé, mais comme il n’ira pas, je voterai pour vous » ; on ne
saurait mieux dire que l’un vaut l’autre. Chirac fit mieux : « j’ai quand
même le droit de dire que je voterai Hollande ! » s’écria même l’ancien
Président que son entourage voulait faire taire. Dans ses Mémoires, il
qualifie Hollande de « véritable homme d’État », et pour faire bonne
mesure, il répéta son soutien dans un entretien accordé peu après au Figaro
Magazine. L’entourage de l’ancien chef de l’État ne fut d’ailleurs pas
moins hollandiste en 2012, à commencer par Madame sa fille, et par le mari
d’Icelle, Frédéric Salat-Baroux, ancien secrétaire général à la Présidence. Il
en va de même pour plusieurs des collaborateurs élyséens de l’ancien président,
tels Hugues Renson et Laurent Glépin, ou même son dernier conseiller et
biographe Jean-Luc Barré. Ajoutons que plusieurs de ses anciens ministres ont
vraisemblablement fait de même, qu'ils en donnassent des signes précis comme
Jean-Jacques Aillagon ou se tussent comme les « gaullistes » en peau
de lapin du genre Juppé, et bien entendu la cohorte habituelle des centristes,
anciens ou nouveaux, quand bien même furent-ils plus prudents dans leur
expression que François Bayrou.
En bref, François Hollande reçut le
soutien des écologistes, des communistes, de l’extrême gauche, des socialistes
et de la nébuleuse centralo-chiraco-radicale, à quoi s’ajoute une kyrielle de
grands patrons, dont la liste est interminable, où se signale l’emblématique
François Pinault qui expliqua ainsi son soutien : « nous vivons la
pire période depuis la guerre ; François Hollande aura à faire face à
beaucoup de contraintes mais, lui, il sait où il veut aller ». Inutile de
rappeler que François Hollande avait également derrière lui la quasi-totalité
de la presse, à l’exception du groupe Le Figaro, de Valeurs actuelles
(et des Cahiers de l’indépendance), et plusieurs ambassades, et non des
moindres, d’abord celle des États-Unis, qui préfèrent toujours les rad-soc
atlantistes à tout ce qui, de près ou de loin, même de très loin, peut avoir
affaire au gaullisme, ainsi que l’ambassade d’Allemagne, nul n’ignorant que la
Chancelière nourrissait plus que de la méfiance à l’endroit du président
français, qu’elle jugeait potentiellement transgressif – c’est du reste le bon
côté du personnage.
Certes, nous n’étions pas tout à
fait dans la situation de 1969, quand de Gaulle avait contre lui toutes les
ambassades, sauf peut-être celle de Moscou, toute la presse, tous les partis,
tous les syndicats, et pour ainsi dire « tout ce qui grouille, grenouille
ou scribouille », hormis François Mauriac, André Malraux et quelques
autres. Mais, la situation de 2012 y fait tout de même songer un peu,
rétrospectivement. D’ailleurs le résultat de Sarkozy, comme celui du général en
1969, fut étonnement élevé au regard du faible nombre de ses
soutiens parmi « les notables et les notoires » : 46 millions
d’inscrits, près de 35 millions d’exprimés, un peu plus de 18 pour François
Hollande, un peu moins de 17 pour Nicolas Sarkozy. Il y aurait sans doute bien
des enseignements à tirer de ces chiffres, et d’abord celui-ci : malgré un
mauvais bilan, une très nette méfiance à l’endroit de sa personne, et
d’innombrables défections gaucho-centristes de tout poil, le candidat Sarkozy a
réuni une grande part de l'électorat de droite qui, dans les pires
conditions, confirma là son existence et sa force secrète. On pourrait ajouter
que, les plus de 2 millions de votes blancs qui ont, pour beaucoup d'entre eux,
répondu à l’appel de Marine Le Pen, auraient pu aisément faire battre le
chouchou de l’Établissement si Marine Le Pen, comme je le lui avais suggéré,
avait donné la liberté de vote à ses électeurs: « Vous n'y pensez pas,
m'avait-elle dit ; on aurait laissé élire Sarkozy, et aujourd'hui on serait
fichus ! ». Et voici comment Hollande fut élu...
Qui redonnera
à la droite française un véritable corps de doctrine – qui existe, je crois, et
qui a quelque chose à voir avec les Classiques battus par les Modernes
lors de la Grande Querelle vieille de plus de trois siècles, et dont il nous
faudrait retrouver coûte que coûte la tradition ? Qui osera restaurer la droite
française dans ses principes, retrouver ses paradigmes et lui redonner
tranquillement sa noblesse ?
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