Journal de Paul-Marie Coûteaux

"Une certaine Idée de la France et du monde"

La vertigineuse addition des délires du système des partis, de l'égotisme de notre bocal politique où se sont perdus, hélas, ceux qui ont tour à tour prétendu relever le drapeau, d'une longue suite de gouvernements nuls, de l'incurie de dirigeants qui n'ont de responsables que le nom et, par-dessus tout, de l'oubli par notre peuple de tout souci de lui-même, a créé autour de nous une situation certes douloureuse mais que la France a souvent connue : le chaos. Nous voici près de ce que Bainville appelait la "récurrente anarchie française", dont nous n'apercevons encore que les premiers prodromes. Ce n'est pas une raison pour croire que la France se meure. Qui connaît l'Histoire sait qu'elle en a vu d'autres, et que l'essentiel est toujours, et en dépit de tout, de faire vivre une idée de la France, et à travers elle une idée de la diversité et de la beauté du monde. Cette idée resurgira tôt ou tard : il suffit de la garder au coeur, de distinguer ce qui meurt et ce qui vit, de voir, de comprendre, de protéger la langue, et d'écrire. Voici la suite d'un journal que je tiens depuis 1992, dont j'ai déjà fait paraître des extraits dans un ouvrage, "Un petit séjour en France", ainsi que divers blogues-notes, "For intérieur" puis "Une certaine Idée"...


lundi 3 novembre 2014

Samedi 1er novembre deux mil quatorze, Paris.

Quelque chose ne va pas dans la politique française, l'absence d'une véritable droite. Nous tombions d'accord, mercredi, avec Philippe Marini, sur la possible absence, à la présidentielle de 2017, de tout candidat qui s'en réclame franchement, quand tout le monde revendique la gauche, le centre ou le « ni droite – ni gauche ». Une telle absence, politique mais aussi intellectuelle et même culturelle, ne peut que creuser chaque année davantage la plaie qui sépare le pays légal et le pays réel, dont une majorité est sans complexe « de droite » sans trouver une véritable traduction politique. M. Hollande est le symbole de ce hiatus plus grave qu'on ne croit, et qui se mesure à l'écart entre la grande masse des Importants qui l'ont fait élire et sa très faible popularité actuelle – entre 12 et 17 % de « côte de confiance ».

         Cela vaut un coup d'œil rétrospectif sur l'élection présidentielle de 2012 – comme d'habitude, les plus criantes vérités n'apparaissent qu'après-coup. Au second tour, François Hollande reçut le soutien de quatre des sept disqualifiés du premier – si l'on compte Philippe Poutou, qui ne le fit certes que du bout des lèvres, mais Jean-Luc Mélenchon le fit plus nettement, et de même François Bayrou, outre bien entendu Eva Joly ; son adversaire, Nicolas Sarkozy, ne reçut le soutien de personne. Mieux, des caciques de la prétendue « droite » se sont prononcés pour François Hollande – et non des moindres, si l’on compte Jacques Chirac en personne, qui non seulement fit savoir un jour en Corrèze qu’il soutiendrait le maire de Tulle – soutien qu’il formula d’une bien étrange manière : « j’aime bien Juppé, mais comme il n’ira pas, je voterai pour vous » ; on ne saurait mieux dire que l’un vaut l’autre. Chirac fit mieux : « j’ai quand même le droit de dire que je voterai Hollande ! » s’écria même l’ancien Président que son entourage voulait faire taire. Dans ses Mémoires, il qualifie Hollande de « véritable homme d’État », et pour faire bonne mesure, il répéta son soutien dans un entretien accordé peu après au Figaro Magazine. L’entourage de l’ancien chef de l’État ne fut d’ailleurs pas moins hollandiste en 2012, à commencer par Madame sa fille, et par le mari d’Icelle, Frédéric Salat-Baroux, ancien secrétaire général à la Présidence. Il en va de même pour plusieurs des collaborateurs élyséens de l’ancien président, tels Hugues Renson et Laurent Glépin, ou même son dernier conseiller et biographe Jean-Luc Barré. Ajoutons que plusieurs de ses anciens ministres ont vraisemblablement fait de même, qu'ils en donnassent des signes précis comme Jean-Jacques Aillagon ou se tussent comme les « gaullistes » en peau de lapin du genre Juppé, et bien entendu la cohorte habituelle des centristes, anciens ou nouveaux, quand bien même furent-ils plus prudents dans leur expression que François Bayrou.

           En bref, François Hollande reçut le soutien des écologistes, des communistes, de l’extrême gauche, des socialistes et de la nébuleuse centralo-chiraco-radicale, à quoi s’ajoute une kyrielle de grands patrons, dont la liste est interminable, où se signale l’emblématique François Pinault qui expliqua ainsi son soutien : « nous vivons la pire période depuis la guerre ; François Hollande aura à faire face à beaucoup de contraintes mais, lui, il sait où il veut aller ». Inutile de rappeler que François Hollande avait également derrière lui la quasi-totalité de la presse, à l’exception du groupe Le Figaro, de Valeurs actuelles (et des Cahiers de l’indépendance), et plusieurs ambassades, et non des moindres, d’abord celle des États-Unis, qui préfèrent toujours les rad-soc atlantistes à tout ce qui, de près ou de loin, même de très loin, peut avoir affaire au gaullisme, ainsi que l’ambassade d’Allemagne, nul n’ignorant que la Chancelière nourrissait plus que de la méfiance à l’endroit du président français, qu’elle jugeait potentiellement transgressif – c’est du reste le bon côté du personnage.

           Certes, nous n’étions pas tout à fait dans la situation de 1969, quand de Gaulle avait contre lui toutes les ambassades, sauf peut-être celle de Moscou, toute la presse, tous les partis, tous les syndicats, et pour ainsi dire « tout ce qui grouille, grenouille ou scribouille », hormis François Mauriac, André Malraux et quelques autres. Mais, la situation de 2012 y fait tout de même songer un peu, rétrospectivement. D’ailleurs le résultat de Sarkozy, comme celui du général en 1969, fut étonnement élevé au regard du faible nombre de ses soutiens parmi « les notables et les notoires » : 46 millions d’inscrits, près de 35 millions d’exprimés, un peu plus de 18 pour François Hollande, un peu moins de 17 pour Nicolas Sarkozy. Il y aurait sans doute bien des enseignements à tirer de ces chiffres, et d’abord celui-ci : malgré un mauvais bilan, une très nette méfiance à l’endroit de sa personne, et d’innombrables défections gaucho-centristes de tout poil, le candidat Sarkozy a réuni une grande part  de l'électorat de droite qui, dans les pires conditions, confirma là son existence et sa force secrète. On pourrait ajouter que, les plus de 2 millions de votes blancs qui ont, pour beaucoup d'entre eux, répondu à l’appel de Marine Le Pen, auraient pu aisément faire battre le chouchou de l’Établissement si Marine Le Pen, comme je le lui avais suggéré, avait donné la liberté de vote à ses électeurs: « Vous n'y pensez pas, m'avait-elle dit ; on aurait laissé élire Sarkozy, et aujourd'hui on serait fichus ! ». Et voici comment Hollande fut élu...


Qui redonnera à la droite française un véritable corps de doctrine – qui existe, je crois, et qui a quelque chose à voir avec les Classiques battus par les Modernes  lors de la Grande Querelle vieille de plus de trois siècles, et dont il nous faudrait retrouver coûte que coûte la tradition ? Qui osera restaurer la droite française dans ses principes, retrouver ses paradigmes et lui redonner tranquillement sa noblesse ? 

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