Retour à Paris en
voiture, grâce à l’obligeance de Renaud Camus, qui vient me quérir à
Châtellerault. Grand agrément de la conversation, sur l’autoroute, tandis que
la nuit nous engouffre. Tombons d’accord sur tout, en particulier sur les
bonheurs très multiformes de la géographie, et celui des maisons ; parlons
peu de politique, si ce n’est pour évoquer son récent différent avec Le Pen
(Marine) sur le « grand remplacement », et surtout pour confirmer
notre communauté de vues sur l’essentiel : Hermogène (qui tient que toute
chose est pour toujours ce qu’elle est, quel que soit son nom (ou, pour les
hommes, quels que soient leurs papiers), en somme qu’il existe des identités) est
supérieur à Cratyle, l’héraclitéen pour qui le monde et les choses ne sont
qu’universel et perpétuel devenir. Embouteillages au moment d’entrer dans
Paris : arrivons juste à temps pour casser une graine avec
Pierre-Guillaume de Roux, et Luc le Garsmeur, puis nous allons tous les quatre
« faire l’émission ». De ces adorables routines…
Camus est étonnant sur la question technique : son
téléphone portable, comme sa magnifique automobile, recèlent d’innombrables
fonctions qui hélas, restent manifestement pour lui d’épais secrets (à toucher
dix boutons à la fois, le conducteur n’a pas vu qu’il allait percuter à grande
vitesse une petite auto…), mais il fut l’un des premiers écrivains à utiliser
en ses multiples ressources la « toile », dont il est passé
maître ; il possède plusieurs sites, vend ses livres et son Journal
sur internet et manie en professionnel la science des touittes. J’aurais plutôt
les sciences inverses : par exemple, je reste balourd avec ces fameux
touittes que j’ai découverts il y a quelques mois. Comme je m’y mets lentement,
et avec quelle peine ! Si je ne cède pas à l’envie récurrente de laisser
tomber ce joujou, c’est d’une part que je sais pouvoir compter sur l’aide
de LF, d’autre part, que ce monde touittomane, que j’ai longtemps rejeté dans
la fosse commune des blablateurs, découvre chez les Français une réconfortante
force d’inventivité, et même une grande réserve d’esprit – confirmant à sa
manière que, décidément, le pays n’est pas mort.
Ceci corrige un peu mon entrée de samedi dernier sur
l’ « effondrement de la culture politique », sans toutefois
l’annuler : car il y a simultanément du sens et de l’étourderie dans
l’ironie générale qui règne sur Touitteur – en sa meilleure part du moins.
Comment ne pas s’amuser avec ce très jeune homme qui, après la prestation si
évidemment ratée de M. Hollande l’autre jour, écrivait « Je suis comme Fleur
Pellerin qui admire l’œuvre de Modiano sans avoir lu un seul de ses
livres : je n’ai pas écouté Hollande, mais je sais qu’il a été
nul » ? La palme revint à l’ami Guaino, si magnifiquement
assassin : « Hollande, deux ans et demi pour ne rien faire ; une
heure et demie pour ne rien dire ». Et celui-ci, plus cruel encore, au
fond : « bilan du demi-mandat : 500 000 chômeurs en plus, 520
milliards déficits publics en plus, 32 milliards d’impôts en plus ». Je
déplorais la raillerie populaire ; mais elle est aussi le signe d’une
saine exigence...
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