Journal de Paul-Marie Coûteaux

"Une certaine Idée de la France et du monde"

La vertigineuse addition des délires du système des partis, de l'égotisme de notre bocal politique où se sont perdus, hélas, ceux qui ont tour à tour prétendu relever le drapeau, d'une longue suite de gouvernements nuls, de l'incurie de dirigeants qui n'ont de responsables que le nom et, par-dessus tout, de l'oubli par notre peuple de tout souci de lui-même, a créé autour de nous une situation certes douloureuse mais que la France a souvent connue : le chaos. Nous voici près de ce que Bainville appelait la "récurrente anarchie française", dont nous n'apercevons encore que les premiers prodromes. Ce n'est pas une raison pour croire que la France se meure. Qui connaît l'Histoire sait qu'elle en a vu d'autres, et que l'essentiel est toujours, et en dépit de tout, de faire vivre une idée de la France, et à travers elle une idée de la diversité et de la beauté du monde. Cette idée resurgira tôt ou tard : il suffit de la garder au coeur, de distinguer ce qui meurt et ce qui vit, de voir, de comprendre, de protéger la langue, et d'écrire. Voici la suite d'un journal que je tiens depuis 1992, dont j'ai déjà fait paraître des extraits dans un ouvrage, "Un petit séjour en France", ainsi que divers blogues-notes, "For intérieur" puis "Une certaine Idée"...


dimanche 23 novembre 2014

Dimanche 16 novembre deux mil quatorze

Minuit vient de passer, et, dans le calme du grand appartement de la rue de Rennes (le plus paisible que j’aie jamais habité à Paris, avec le petit jardin sur lequel je vois régulièrement tomber les feuilles rousses et l’apaisante proximité de l’Institut catholique et du parc des Carmes), je retrouve mon lit bienheureux, le bienheureux Bainville, et les amusantes images de ma journée en Vaucluse. Il y a des jours qui ne sont que des joies…

            On dirait, d’ailleurs, que les jours sont d’autant meilleurs qu’ils commencent tôt – chose trop rare, tant les nuits sont encore meilleures, et qu’il me faut toujours trouver un moment pour dormir, habituel sacrifice du matin. Je m’en fus donc dès potron-minet à la gare de Lyon pour dégringoler à grand vitesse jusqu’à Carpentras via Avignon, cela à l’invitation du jeune député du cru, Julien Aubert, gaulliste de bonne souche (quoique UMP) pour parler du « gaullisme aujourd’hui » devant les membres du rassemblement qu’il vient de créer – drôlement dénommé « Rassemblement bleu lavande »… À sept heures, première joie, je suis saisi en sortant du taxi par les rayons du premier soleil – du coup j’y oublie mon téléphone portable, mais le chauffeur décrochera quand je l’appellerai du train, et ce sera un plaisir supplémentaire d’en être débarrassé tout le jour, comme de le retrouver à la loge en rentrant ce soir, outre qu’il est heureux de voir tant de taxis honnêtes… Autre joie, je retrouve aussitôt dans le train mon vieux compère Roger Karoutchi qu’Aubert a eu la bonne idée d’inviter pour la même causerie, et avec qui je bois force cafés dans le bar lumineux qui traverse les paysages frais réveillés de la Brie, de l’Yonne et de la Bourgogne. Nous évoquons les souvenirs des beaux temps de l’Assemblée nationale, de l’Hôtel de Lassay et du cabinet de Philippe Séguin – mais point seulement des souvenirs, car ce solide agrégé d’histoire a une vue si nette et carrée des choses, et de si bonnes introductions en certain parage, qu’il m’apprend des choses nettement plus actuelles… J’ai grand plaisir aussi à apercevoir, du train d’abord, puis de la voiture qui nous conduit à Carpentras, quelques traces de ce qui reste d’Avignon à Avignon et de ce qui reste des paysages de Provence en Provence. Hélas, arrivant à Carpentras, je commets l’erreur de demander au chauffeur, un dévoué militant UMP, qui ne semble pas voir le nombre effarant de femmes voilées, s’il y a bien aussi une communauté française dans la ville ; ma blague, à juste titre sans doute, n’est pas appréciée…


            La salle qui nous accueille, une ancienne église romane, n’est pas aussi déserte que nous le croyions, confirmation que les Français restent piqués de politique, capables d’assister à une causerie un samedi matin à onze heures, et tout à fait hors saison. Et quel auditoire ! Les questions fusent, le débat est animé, et je sens une douce complicité dans la salle quand j’attaque l’ami Karoutchi sur les errements des gouvernements Sarkozy auxquels il a participés, ne me privant pas de pointer la « forfaiture » du Traité de Lisbonne, comme la sotte habitude prise par les candidats de Droite de se vouloir aussi ceux du Centre, qui annihile tout. Curiosité : la salle, très sarkozyste, semble approuver la critique de son idole… Une fois encore, lors du repas qui suivit dans un petit restaurant de théâtre à murs rosés et volets verts  (l’omelette aux truffes ne fut pas le moindre délice secret du jour), je vérifiai que la base de l’UMP est tranquillement droitière, sans hargne et sans complexe, comme on l’aime. Enfin, comment ne pas ajouter, enfilant des joies qui viennent parfaire le collier de la journée, la suite de signes que je reçois des uns et des autres sur un sujet qui était pour moi l’un des intérêts de la journée : ces militants  UMP n’ont guère de griefs pour le pauvre hère qui a osé une incursion dans les parages de Marine Le Pen, dont il est très facile, devant ces gaullistes de bonne souche, d’expliquer les tenants, les aboutissants et les leçons à en tirer. Ainsi pour le député Aubert, qui a bien compris, dans son département très politique du Vaucluse, que seul un gaullisme authentique (il est président de l’amicale parlementaire gaulliste et grand pourfendeur de la supranationalité européenne) peut contenir la poussée du « marinisme » et de sa concurrente locale Marion Maréchal. Dans le train du retour, nouvelle conversation avec Aubert et Karoutchi qui m’en dit long sur les débats internes à l’UMP, et longue rêverie à travers les vitres, tandis que le regard glisse sur la France, à la recherche du titre à donner à ma « Lettre à Marine Le Pen »...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire