Journal de Paul-Marie Coûteaux

"Une certaine Idée de la France et du monde"

La vertigineuse addition des délires du système des partis, de l'égotisme de notre bocal politique où se sont perdus, hélas, ceux qui ont tour à tour prétendu relever le drapeau, d'une longue suite de gouvernements nuls, de l'incurie de dirigeants qui n'ont de responsables que le nom et, par-dessus tout, de l'oubli par notre peuple de tout souci de lui-même, a créé autour de nous une situation certes douloureuse mais que la France a souvent connue : le chaos. Nous voici près de ce que Bainville appelait la "récurrente anarchie française", dont nous n'apercevons encore que les premiers prodromes. Ce n'est pas une raison pour croire que la France se meure. Qui connaît l'Histoire sait qu'elle en a vu d'autres, et que l'essentiel est toujours, et en dépit de tout, de faire vivre une idée de la France, et à travers elle une idée de la diversité et de la beauté du monde. Cette idée resurgira tôt ou tard : il suffit de la garder au coeur, de distinguer ce qui meurt et ce qui vit, de voir, de comprendre, de protéger la langue, et d'écrire. Voici la suite d'un journal que je tiens depuis 1992, dont j'ai déjà fait paraître des extraits dans un ouvrage, "Un petit séjour en France", ainsi que divers blogues-notes, "For intérieur" puis "Une certaine Idée"...


mercredi 5 novembre 2014

Mardi 4 novembre deux mil quatorze ; Paris.

Séjour présidentiel au Canada, suite : M. Hollande, nous apprend-on, va terminer (et non achever, comme il faudrait dire) son voyage par une « étape au Québec ». Comme paraissent lointains les temps où les officiels français, se rendant au Québec, consentaient un détour par Ottawa – ce détour que ne consentit même pas de Gaulle en 1967, après avoir pris soin d'arriver au Québec par la voie maritime afin de ne pas passer par l'aéroport de Mirabelle, qui est en territoire fédéral...

            LF, fidèle lecteur auquel l'entrée d'avant-hier sur « Mère Nature et décroissance » n'a pas échappé,  m'envoie ces extraits du très récent livre de Vincent Cheynet, « Décroissance ou décadence » : « En somme, que se cache-t-il aujourd'hui derrière les termes de croissance, développement, progrès, libéralisme, libéral-libertarisme, productivisme ? Une même conception : celle de l'illimité. Le fondement de notre vision de l'humain et de la société est devenu le refus de l'idée de limite. La matrice de notre monde est le désir d'abolir toutes les bornes, soit l'exact inverse de la tradition gréco-latine pour laquelle l'hubris, la démesure, constituait la faute majeure ». C'est drôle, je n'ai rien écrit d'autre – encore que j'aurais évité l'allusion au libéralisme, trop beau mot qui ne veut plus rien dire. Et encore ceci : « La décroissance est la voix du Père, celle qui oppose un « non » central à cette époque. Non, la croissance infinie n'est pas possible. Non, les arbres ne montent pas jusqu'au ciel. Non, on ne devient pas véritablement libre en voulant satisfaire tous ses désirs. Non, nos pulsions ne sont pas par elles-mêmes des droits. Oui, il y aura un manque, une insatisfaction, une frustration, une blessure... Et c'est en intégrant cette réalité fondatrice que l'on peut grandir. » Fort bien aussi, même si je ne parlerais pas de « décroissance », les besoins des hommes autour de la planète étant trop cruels pour qu'on se détourne de l'effort des les satisfaire ; plutôt de déconsommation, mot qui a le mérite de trier entre lesdits besoins pour en écarter les moins nobles, et qui réserve la possibilité, pour qui ne consomme presque rien, de prendre sa part des biens de ce monde : une bonne croissance a justement une mission d'équilibre planétaire par la recherche et l'investissement – en particulier, pour ce qui est des besoins du Sud, notamment par l'exploitation des mers, où la France devrait exceller... J'aimerais parler de tout cela avec l'auteur, et vais l'inviter à l'un de mes mercredis, sur Courtoisie...

(Et puis, nous ne sommes pas contre le progrès, seulement l'idéologie du Progrès : le Progrès totalitaire.)

Autre divin passage du divin Petifils, qui décrit la liesse de Paris quand fut annoncée la guérison de Louis XV, encore Dauphin – il avait été pris dans l'été 1721, à l'âge de 11 ans, d'une terrible indigestion accompagnée de fortes fièvres : « La guérison de l'enfant-roi fut saluée par des explosions de joie et un Te Deum à Notre Dame, auquel assistèrent le Régent, les princes et les parlementaires. Les Parisiens illuminèrent leurs fenêtres, dansèrent aux carrefours, où l'on distribuait du vin clairet. Ils eurent droit à des représentations gratuites à l'Opéra et chez les Comédiens Français. Dans son Journal,  l'avocat Barbier écrivait, à la date du 6 août, qu'il n'avait jamais vu autant de monde la nuit dans les rues : « Jusqu'à trois heures du matin, avec des folies étonnantes, on voyait partout des bandes avec des palmes et des tambours, d'autres avec des violons... ». Vertu des blogs, tel celui de cet avocat Barbier qui ne savait pas écrire pour des inconnus qui viendront trois siècles après lui ; et temps heureux  d'avant le Roi Commerce et la Reine Technique...

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