Journal de Paul-Marie Coûteaux

"Une certaine Idée de la France et du monde"

La vertigineuse addition des délires du système des partis, de l'égotisme de notre bocal politique où se sont perdus, hélas, ceux qui ont tour à tour prétendu relever le drapeau, d'une longue suite de gouvernements nuls, de l'incurie de dirigeants qui n'ont de responsables que le nom et, par-dessus tout, de l'oubli par notre peuple de tout souci de lui-même, a créé autour de nous une situation certes douloureuse mais que la France a souvent connue : le chaos. Nous voici près de ce que Bainville appelait la "récurrente anarchie française", dont nous n'apercevons encore que les premiers prodromes. Ce n'est pas une raison pour croire que la France se meure. Qui connaît l'Histoire sait qu'elle en a vu d'autres, et que l'essentiel est toujours, et en dépit de tout, de faire vivre une idée de la France, et à travers elle une idée de la diversité et de la beauté du monde. Cette idée resurgira tôt ou tard : il suffit de la garder au coeur, de distinguer ce qui meurt et ce qui vit, de voir, de comprendre, de protéger la langue, et d'écrire. Voici la suite d'un journal que je tiens depuis 1992, dont j'ai déjà fait paraître des extraits dans un ouvrage, "Un petit séjour en France", ainsi que divers blogues-notes, "For intérieur" puis "Une certaine Idée"...


mardi 21 janvier 2014

Journal de campagne à Paris (janvier - mars 2014)

Dimanche 19 janvier 2014. -- Hier, saut à Mirebeau, où je ne fus pas malheureux de retrouver la vieille maison silencieuse, le chat Pelléas et le marché du samedi...

     L'hiver est encore doux ; il y avait du soleil sur la place du marché et, surtout, une agréable ambiance dont je n'ai pas tardé à découvrir qu'elle avait une cause précise, sur laquelle plusieurs commerçants (à commencer la marchande de poulets cuits, intarissable), étaient ravis de me donner des détails : les voleurs des champs, expression qui fait florès en ces parages ces derniers mois, et qui désigne une bande de prédateurs capables de monter de véritables opérations "coups de poing", de nuit, dans les exploitation de la plaine des Deux-Sèvres, volant des récoltes, mais aussi des instruments agricoles, dépeçant sur pieds des bêtes tuées au revolver, ont été enfin arrêtés - et "pas encore relâchés" dit la volaillère, qui sait ce que tout le monde sait... Comme la bande fut prise la main dans le sac, chacun connaît, sinon l'identité des malfaiteurs, du moins leur provenance, et l'on tient à se montrer précis sur le sujet : "pas des gens du voyage, non-non, des roumains, rou-mains", répète-t-on. Je suis heureux que l'on tienne à ce point à faire la distinction, plusieurs fois répétée, comme je me suis réjoui des conclusions politiques que l'on tire, guère favorables à l'Europe de Bruxelles, de la libre circulation, de la suppression des frontières, de l'élargissement de l'UE à tout va, ainsi de suite. J'ai gardé in petto, "dans mon petit petto" comme disait mon père, mais y suis revenu souvent en pensée dans la journée, le souvenir de ce jour de 2003 où, député français au "Parlement européen", j'avais osé voter contre l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l'UE, au grand dam de presque tous les députés de mon groupe dit "eurosceptique", M. de Villiers inclus...

     Il me souvient fort bien que, sur les 736 parlementaires que comptait l'hémicycle européen, nous n'étions que 21 à avoir osé voter contre l'entrée de ces deux pays - il y avait peu de Français, mais surtout des Tchèques, Autrichiens, Hongrois et Grecs, qui avaient ramassé quelques volées de bois vert, à la sortie, de la part des journalistes de ces deux malheureux pays, surexcités ce jour-là... Hélas, les élus Français, tous ou presque, même les plus critiques à l'encontre de l'UE, n'avaient pas osé dire non à une mesure pourtant évidemment déraisonnable. J'en vois partout les conséquences, des campagnes poitevines aux protections en fer forgé des arbres de Paris - et je remâche ce petit bonbon acidulé que m'a passé un jour le général de Gaulle et que je n'oublie jamais : "j'ai été souvent seul, surtout quand j'avais raison" ; c'était dit (à Claude Guy je crois) sur un ton amusé, mais je me demande si je peux m'en amuser à mon tour. Rien n'est plus triste que cet épisode, et l'idée que même les députés les plus matamores, dans la défense de la patrie, n'osent pas braver grand chose, au moment venu...

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