Journal de Paul-Marie Coûteaux

"Une certaine Idée de la France et du monde"

La vertigineuse addition des délires du système des partis, de l'égotisme de notre bocal politique où se sont perdus, hélas, ceux qui ont tour à tour prétendu relever le drapeau, d'une longue suite de gouvernements nuls, de l'incurie de dirigeants qui n'ont de responsables que le nom et, par-dessus tout, de l'oubli par notre peuple de tout souci de lui-même, a créé autour de nous une situation certes douloureuse mais que la France a souvent connue : le chaos. Nous voici près de ce que Bainville appelait la "récurrente anarchie française", dont nous n'apercevons encore que les premiers prodromes. Ce n'est pas une raison pour croire que la France se meure. Qui connaît l'Histoire sait qu'elle en a vu d'autres, et que l'essentiel est toujours, et en dépit de tout, de faire vivre une idée de la France, et à travers elle une idée de la diversité et de la beauté du monde. Cette idée resurgira tôt ou tard : il suffit de la garder au coeur, de distinguer ce qui meurt et ce qui vit, de voir, de comprendre, de protéger la langue, et d'écrire. Voici la suite d'un journal que je tiens depuis 1992, dont j'ai déjà fait paraître des extraits dans un ouvrage, "Un petit séjour en France", ainsi que divers blogues-notes, "For intérieur" puis "Une certaine Idée"...


jeudi 2 février 2017

Paul-Marie Coûteaux : « François Fillon doit lire Gramsci »

La droite française, déstabilisée à la première bourrasque alors qu'elle se veut, à juste titre, majoritaire dans le pays, devrait réfléchir à sa fragilité. Elle semble ne pas comprendre le moment historique, ni même savoir ce qu'elle est dans ce moment, au point que, incapable de faire bloc, elle se laisse manœuvrer par toutes les opérations de l'adversaire. Pourtant, la théorie gramscienne du «bloc historique», qu'on cite sans cesse mais en ne l'effleurant que du bout de l'aile, et sous son acception la plus lapidaire (l'idée que la pensée précède le combat politique - «Au fond des victoires d'Alexandre, on trouve toujours Aristote» comme disait de Gaulle) donnerait de fameuses clefs, si du moins on se donnait la peine de l'étudier de plus près.



Le théoricien italien observait que les générations constituaient à tour de rôle des «blocs historiques» soudant l'ensemble d'une société autour de paradigmes communs - subversifs d'abord, puis peu à peu dominants, avant de se faner et décliner. Ces ensembles idéologiques sont d'abord élaborés par les «intellectuels centraux» (écrivains, universitaires, autorités morales qui, par des livres ou des revues, «donnent les mots») avant de faire peu à peu système et «d'infuser» par degrés l'ensemble de la population: les intellectuels de seconde ligne (professeurs, instituteurs, journalistes…), puis les dirigeants politiques, les hauts-fonctionnaires et les magistrats, les chefs d'entreprise, les professions libérales, et, par degrés, l'ensemble d'un peuple ainsi soudé autour de «points de communion». S'est de la sorte constitué, dans les années 70 (en France, les dates majeures sont 1968, 1974 et 1981), un bloc historique progressiste, fait de cette gauche particulière que Chevènement nomma «gauche américaine», celle qui tient que la «modernité» a toujours raison et le passé toujours tort, et qui croit même que l'on peut tout changer, peuples, hommes, femmes, institutions etc. -voir son slogan de 1974, «Tout est possible». 



En quelques années, une jeune escouade de «déconstructeurs» (de la langue, des codes et, surtout, du socle politique classique - Etat, nation, civilisation), donna mots et paradigmes à la vaste ruche des professions intellectuelles ; ils finirent par devenir omniprésents à l'université, dans l'édition, puis dans les médias, parmi les cléricatures et les magistratures, et même chez les grands patrons, lesquels trouvèrent grand intérêt au fameux «jouir sans entrave» qui fut le passeport du consumérisme à outrance, comme le «sans frontiérisme» festif fut celui du libre-échange généralisé. La doxamoderniste conquit finalement l'immense majorité des politiques, y compris de la dite «droite» - celle-ci finit même par accepter de se lire dans une typologie extérieure, et très contestable, celle de René Rémond dont deux des trois branches l'orléanisme et le bonapartisme sont en fait des centrismes... La droite perdit ainsi jusqu'à son nom, ce légitimisme ou, pour mieux dire, ce classicisme politique qui ne sut jamais actualiser ses paradigmes et mots de passe, ni conséquemment se rassembler, et qui, divisée, se laissa exclure du débat public. 
Vers le grand renversement
Une génération intellectuelle domine en général une trentaine d'années -telle la génération précédente, que l'on peut dire «de la reconstruction», qui fut dominante entre 1944 et 1970, déclinante ensuite. Celle qui prit tous les pouvoirs dans les années 70 et 80 devrait donc disparaître depuis quelques années. Certes, elle s'épuise: le Non de 2005 prit à angle droit la pensée unique - les oligarques se revanchant vite à Lisbonne. Plusieurs de ses bastions se lézardent: il n'est un secret pour personne que la presse de gauche vit sous perfusion d'argent public, tandis que celle de droite progresse. L'éclatante réussite de la Manif Pour Tous, celle du Puy du Fou exhumant l'archaïque national (est archaïque non ce qui est vieux et passé, mais au contraire ce qui fonde et ne passe pas), les succès de librairie de Patrick Buisson, Philippe de Villiers ou Eric Zemmour sont autant de signes ; par dessus tout, on voit peu à peu ressurgir une droite classique (Patrick Buisson parla de «révolution conservatrice») dont la manifestation fut la victoire aux «primaires» de François Fillon, le catholique qui refuse Babel, ne croit pas que les arbres montent au ciel ni que l'on puisse dépenser sans limite, qui entend restaurer les frontières, l'Europe des nations, les enseignements classiques -on pourrait dire un «identitaire», comme le fut de Gaulle.



Hélas, si le grand reversement idéologique est différé, et si la victoire politique est conséquemment si difficile, c'est que la droite française, qui n'a soutenu nul écrivain, nulle revue, nul grand média capable de jouer le rôle décisif que joua par exemple, dans la génération précédente le Nouvel Observateur, a négligé un travail intellectuel qu'elle ne regarde encore qu'avec un profond mépris -ou non moins profonde paresse. Significative fut la mésaventure d'une revue lancée en 1998 par Philippe Séguin, Une certaine Idée, que j'eus l'honneur de diriger aux cotés de Jean de Boishue, et qui releva le gant du «débat d'idées» jusqu'à ce que, dès sa création, l'UMP la fasse disparaitre au profit d'une Fondation, la FondaPol, confiée à… un homme de gauche. 



On comprend la violence des jours que nous vivons, qui sont peut-être ceux de la crise maximale: le bloc UMPS disparaît (qui peut encore assimiler Hamon et Fillon?), la droite, en son cœur légitimiste, menace directement, et au moment crucial des présidentielles, un bloc soixante-huitard attardé qui jette ses dernières forces de ses derniers bastions et cela sans préparation idéologique sérieuse, de sorte que, comme on voit hélas, elle se débande assez vite - à commencer par les parlementaires «républicains» qui révèlent à cette occasion combien la presse de gauche a prise sur eux, et si profondément qu'ils utilisent le vocabulaire même de leur adversaire. Pendant ce temps, la complicité entre puissances d'argent, médias et magistrature joue encore à fond: un article le mercredi, une audition le vendredi, un mauvais sondage le dimanche, une perquisition le lundi puis vient le pilonnage médiatique, certes disproportionné (les problèmes qui font sous nos yeux disparaître la France comme nation, comme Etat et comme civilisation sont sans rapport de gravité avec la façon dont le candidat a utilisé son enveloppe parlementaire) mais capable de faire vaciller le favori, issu pour la première fois depuis longtemps d'une droite assumée - mais si mal préparée au combat idéologico-judiciaro-médiatique qu'elle n'a pour arme qu'internet, ou des manifestations de rue. Bref: les mains nues. 



C'est pour cela que M. Fillon doit tenir coûte que coûte ; et qu'il faut toutes affaires cessantes reconstruire une droite idéologique, à commencer par reformuler les paradigmes du classicisme français qui permettront de réunir ses composantes et de conquérir les places décisives, à l'université, dans l'édition, dans les médias et la haute fonction publique sans lesquelles il n'est pas de légitimité forte, donc par de puissance de gouvernement. Au passage, souhaitons que la droite étourdie, du coup la plus bête du monde, sache enfin sortir du piège de Mitterrand qui depuis trente ans la coupe en deux, et jouer des porosités avec le FN. Si, alors que la relève est pourtant là, et que les jeunes plumes ne manquent pas, nous échouons à opérer ce grand renversement qui est dans le rythme même de l'Histoire, il est possible qu'une autre relève, un modernisme plus violent encore (tel le trans-humanisme) prenne sa place, et nous partons alors vers une «civilisation» qui n'aura rien à voir avec ce que nous appelons encore la France. Pendant ce temps la gauche perdure alors que toute sa matrice est disqualifiée, tirant encore de fameuses salves sur une droite sans leviers ni relais et plongée dans l'hébétude. Il est donc temps de lire Gramsci, puis, comme disait Boutang, de «reprendre le Pouvoir» -de le reprendre réellement, et de l'exercer.

lundi 8 décembre 2014

Jeudi 4 décembre deux mi quatorze ; sur la vie d'hiver à Mirebeau ; sur le conflit de stratégie qui éclate au Front national.

À Paris, derechef depuis hier au soir... Comme d'habitude, écrire est ici  nettement plus difficile, et je n'ai rien de plus pressé que de rentrer à Mirebeau, où la vie est, l'hiver, plus close, plus solitaire est plus douce. Grand hâte de retrouver les levers matinaux, la lampe qu'il faut allumer à neuf heures quand je m'installe à ma table, la grisaille tranquille des jours, le silence des chats – deux à présent, car j'ai finalement décidé d'adopter la petite chatte de gouttière qui, depuis l'été, venait de plus en plus souvent faire des frais à M. Pelléas, s'était d'abord installée dans le jardin et passait par la chatière de la buanderie pour partager sa pitance dès que la voie était libre, puis finalement s'est installée dans la maison, d'abord en se cachant, puis s'enhardissant peu à peu jusqu'à se laisser caresser, après quoi l'adoption était inévitable... Et retrouver les feux de cheminée allumés à l'heure du thé, avant de refermer les volets et d'éclairer de pièce en pièce la grande maison calfeutrée, les courses à la nuit tombée sur la place du village humide et sombre, les dîners en musique et les lectures commencées de bonne heure. À Paris, je ne parviens pas à respecter si bien mes rites – et même pas du tout...

Du coup, j'ai pris du retard dans ce journal, au point de sauter toute une semaine – pourtant riche en évènements, ne serait-ce que le Congrès du Front national samedimanche dernier à Lyon. J'avais, par un petit article envoyé vendredi dernier au site « Boulervard Voltaire », anticipé l'apparition, ou la confirmation, manifeste lors de ce congrès d'un conflit de stratégie entre celle de sa nièce Marion, qui incarne une ligne droitière qui n'est pas pour me déplaire et sa tante, inspirée par Florian Philippot consistant à capter tous les mécontentements du pays en une ligne « droite-gauche » qui vire au gauchisme populiste version PCF des grandes heures. Je transcris ici ce papier de circonstance, pour lui-même d'abord, ensuite parce que les réactions qu'il a suscitées (155 !) me poussent à écrire une réponse que j'enverrai demain : 

« En refusant tout alliance, MLP maintient son parti hors d'un système qui ne demande pas mieux...

            À l'heure où s'ouvre le congrès du FN, un sondage révèle que 64 % des sympathisants FN sont favorables à des alliances avec l'UMP, au moins aux régionales. La netteté de ce chiffre jette un doute sur la légitimité interne de la stratégie « zéro alliance » choisie par la présidente et son grand inspirateur Florian Philippot.

            Cette stratégie est simple, ou sommaire : UMP et PS faisant la même politique (prémisse contestable), il faut récuser toute alliance avec l'un quelconque de ses membres, miser sur une symétrique démobilisation des électeurs UMP et PS-PC, recueillir tous les mécontents à la fois et atteindre 50 % seul, puis gouverner avec les seules forces du parti : restons purs ! Cette stratégie entre facilement dans les têtes : dénoncer l'UMPS et par là l'ensemble de la classe politique fait d'autant plus recette que celle-ci la mérite, tandis qu'une double déconsidération frappe Nicolas Sarkozy et François Hollande. Les élections européennes ne l'ont-elle pas montré ?

            Oublions qu'une participation de 40 % situe les 25 % des listes FN à 10 % des inscrits... La stratégie « zéro alliance » que M. Philippot habille de gaullisme est de toutes façons démente et suicidaire. D'abord de Gaulle, s'il n'a jamais résumé la France à la droite ou à la gauche, ni jugé que l'on puisse gouverner sans faire appel à l'ensemble des Français, a toujours été opposé, en 46 comme en 58, en 65 comme en 68, à la gauche – en 65, il eut bien besoin du CNI... Surtout, faire des voix et gouverner n'est pas la même chose : seul gouverner compte, sauf à jouer à la politique comme on joue ou foute ou plutôt comme on en blablate au café. Or, le moment où tout se joue, le second tour des présidentielles, rend nécessaires des alliances : gagne celui qui rassemble son camp. Refuser toute alliance c'est sous couvert de se démarquer de la droite, retomber dans les ornières du boulangisme, du poujadisme ou de la Marche sur Rome, qui reprirent toujours le vieux « ni droite ni gauche ». C'est surtout s'empêcher de remporter l'élection cardinale et d'exercer le pouvoir – à moins de le prendre par la force puis de confondre l'État et le Parti – confusion encore plus catastrophique quand le parti est dépourvu de culture d'État.

            J'ai connu assez de membres ou sympathisants du FN ces dernières années pour savoir que la stratégie de la Présidente n'y est guère majoritaire. Ils suivent, certes, devant les succès électoraux et l'autorité d'une direction qui éjecte quiconque ne la suit pas – dans le mur. Mais gare à 2017 : si Marine Le Pen ne se ravise pas et donc ne gagne pas, elle portera la lourde responsabilité d'avoir maintenu son parti hors d'un Système qui, au vrai, ne demande que cela. Combien plus menaçante serait pour lui une vaste union des droites, majoritaire dans le pays et capable de gouverner ! En refusant toute alliance, en perpétuant le piège de Mitterrand, en marginalisant la part la plus subversive de l'électorat, Le Pen permet au Système de dormir sur ses deux oreilles – bien gardé par les sectaires des deux bords, les uns ne voulant pas entendre parler d'UMP, et les autres de FN. Comme je préfère les sympathisants aux militants toujours si purs – et si durs d'oreille... »

jeudi 4 décembre 2014

Mercredi 3 décembre deux mil quatorze ; visites et donc Paris, toujours, où la vie est tant dissipée, mais point désagréable...

Le nouveau maire de Grenoble vient de faire ce que tout maire attaché à sa ville, je veux dire à la beauté ou le simple agrément de sa ville ou de son village, devrait faire d'urgence, interdire les panneaux publicitaires. J'ai fait lundi soir un touitte sur le sujet – vérifiant avec satisfaction que les touittes portant sur l'environnement sont les plus souvent repris : bueno !  Mais j'ai trouvé hier un communiqué de l'In-nocence qui en dit plus long et que Maître Camus, que je viens de féliciter par téléphone, tourne toujours à merveille ; du coup, je le recopie ici, en fidèle de l'In-nocence.

Communiqué n° 1777, lundi 24 novembre 2014

Sur le bannissement de la publicité à Grenoble

Le parti de l’In-nocence salue avec la plus totale approbation et même avec enthousiasme la décision de la ville de Grenoble de bannir de ses rues la publicité. Pareille mesure est parfaitement conforme à son propre programme, qui, bien entendu, porte également et a fortiori sur les accès des villes et les routes de campagne. Au demeurant il ne se préoccupe pas seulement de la publicité mais de la signalétique en général, qui selon lui doit être considérablement réduite, ainsi que le permettent à présent les moyens modernes de communication, d’information et de géolocalisation.


Le parti de l’In-nocence, dans cette perspective, espère que la ville de Grenoble n’a pas l’intention d’allouer à la communication municipale ou autre, et moins encore à l’endoctrinement idéologique ou à l’exaltation vertueuse du vivre-ensemble (comme dans les malheureuses églises...) les espaces reconquis sur la publicité. À cet égard il juge regrettable que le dit « manque à gagner » entraîné par la sage mesure prise doive être compensé par des réductions sur les frais de représentation et de protocole, deux domaines qui lui sont également chers et qui doivent selon lui être préservés, au même titre que l’espace public vierge de propagande d’une espèce ou d’une autre.

Mardi 25 novembre deux mil quatorze, Paris

Quitter Paris dès que possible et m'enfermer solitaire dans le tranquille prieuré de Mirebeau, je ne pense plus qu'à cette joie, sans cesse remise – à cause des maudites visites...


L'auteur est Virgile : « Dans le vide immense, je regarde l'irrémédiable s'accomplir ». Mais, à regarder la version originale, c'est-à-dire latine, à réfléchir au personnage que fut Virgile, j'en viens à douter que la traduction classique, celle que j'ai donnée, soit exacte. Y revenir, dès que j'ai une minute – une minute ou une heure, mais il faut aussi que mes livres avancent, nom d'une pipe !

Lundi 24 novembre deux mil quatorze, Paris.

L'hiver, du moins les temps sombres, sont tombés d'un coup, ce matin. Il ne se voit plus aucune feuille aux pauvres branches sur lesquelles s'ouvrent les trois hautes fenêtres du salon – très visité ces jours-ci depuis que P. m'a convaincu de passer une annonce dans un journal spécialisé. Du coup, on ne voit plus que les murs presque aveugles de je ne sais quel département de l'Institut catholique, qui font à présent un omniprésent et triste vis-à-vis. Il faudrait, si j'en avais, tirer les rideaux sur cette grisaille et allumer les lampes dès quatre ou cinq heures de l'après-midi – ce que je fais d'ailleurs, et qui change du tout au tout l'atmosphère du grand appartement. S'annoncent, pour régner sur ces vastes pièces, trois ou quatre mois de jours sans soleil, ce qui ne fait certes pas un argument de vente. Pourtant, il faut bien vendre, tant est basse ces temps-ci la phynance – basse, certes, elle l'est, au point d'être en dessous, très en dessous même, du niveau de la mer.


            Ne vaudrait-il pas mieux attendre les premiers beaux jours de mars ou d'avril ? Cette lumière, aussi douces et soyeuses soient les soirées et les nuits de l'hiver, tout l'attend déjà, comme si la diaprure des gris, si parisienne pourtant, et si charmante à bien des égards (ah!, les nuits longues !), n'était qu'une sombre anomalie. L'autre jour, feuilletant un livre de peinture qui me suit depuis des décennies d'havre en havre (« La peinture française contemporaine »), que je garde toujours sous la main parce qu'il montre de très belles reproductions aux couleurs intactes, et que j'expose sur un lutrin en bois ornant l'une des maies de Mirebeau en tournant de temps en temps ses pages de sorte qu'il forme un tableau changeant, feuilletant ce grand livre, donc, je tombais en d'admiration sur le fameux Dufy.


           Du coup, j'ai repensé tout à l'heure à notre séjour de Collioure, puis ai passé une grande heure à regarder sur internet, qui les restitue mieux que je ne l'aurais pensé, quelques toiles de Matisse, puis la vie de Matisse, puis celle de Seurat, de Manet, etc. En vint une rêverie sur la concordance de la France et de la Lumière : le coq du « jour se lève », qui est l'éternel coq gaulois annonçant le jour, le goût médiéval du rouge, celui des broderies, des enluminures et des tournois, les châteaux clairs de la Renaissance tout ouverts sur la campagne angevine ou tourangelle, les lumières du Roi-Soleil et les jours ensoleillés de Fragonard ou Watteau, la Lumière qu'ont cherchée les Lumières et celle que difractent les trois couleurs du drapeau national – Dufy, justement... La lumière est si bien dans le génie de la France que l'hiver qui la recouvre soudain de brumes n'est qu'un rideau baissé le temps d'un entracte.