Journal de Paul-Marie Coûteaux

"Une certaine Idée de la France et du monde"

La vertigineuse addition des délires du système des partis, de l'égotisme de notre bocal politique où se sont perdus, hélas, ceux qui ont tour à tour prétendu relever le drapeau, d'une longue suite de gouvernements nuls, de l'incurie de dirigeants qui n'ont de responsables que le nom et, par-dessus tout, de l'oubli par notre peuple de tout souci de lui-même, a créé autour de nous une situation certes douloureuse mais que la France a souvent connue : le chaos. Nous voici près de ce que Bainville appelait la "récurrente anarchie française", dont nous n'apercevons encore que les premiers prodromes. Ce n'est pas une raison pour croire que la France se meure. Qui connaît l'Histoire sait qu'elle en a vu d'autres, et que l'essentiel est toujours, et en dépit de tout, de faire vivre une idée de la France, et à travers elle une idée de la diversité et de la beauté du monde. Cette idée resurgira tôt ou tard : il suffit de la garder au coeur, de distinguer ce qui meurt et ce qui vit, de voir, de comprendre, de protéger la langue, et d'écrire. Voici la suite d'un journal que je tiens depuis 1992, dont j'ai déjà fait paraître des extraits dans un ouvrage, "Un petit séjour en France", ainsi que divers blogues-notes, "For intérieur" puis "Une certaine Idée"...


dimanche 16 novembre 2014

Mercredi 12 novembre deux mil quatorze

Retour à Paris en voiture, grâce à l’obligeance de Renaud Camus, qui vient me quérir à Châtellerault. Grand agrément de la conversation, sur l’autoroute, tandis que la nuit nous engouffre. Tombons d’accord sur tout, en particulier sur les bonheurs très multiformes de la géographie, et celui des maisons ; parlons peu de politique, si ce n’est pour évoquer son récent différent avec Le Pen (Marine) sur le « grand remplacement », et surtout pour confirmer notre communauté de vues sur l’essentiel : Hermogène (qui tient que toute chose est pour toujours ce qu’elle est, quel que soit son nom (ou, pour les hommes, quels que soient leurs papiers), en somme qu’il existe des identités) est supérieur à Cratyle, l’héraclitéen pour qui le monde et les choses ne sont qu’universel et perpétuel devenir. Embouteillages au moment d’entrer dans Paris : arrivons juste à temps pour casser une graine avec Pierre-Guillaume de Roux, et Luc le Garsmeur, puis nous allons tous les quatre « faire l’émission ». De ces adorables routines…

            Camus est étonnant sur la question technique : son téléphone portable, comme sa magnifique automobile, recèlent d’innombrables fonctions qui hélas, restent manifestement pour lui d’épais secrets (à toucher dix boutons à la fois, le conducteur n’a pas vu qu’il allait percuter à grande vitesse une petite auto…), mais il fut l’un des premiers écrivains à utiliser en ses multiples ressources la « toile », dont il est passé maître ; il possède plusieurs sites, vend ses livres et son Journal sur internet et manie en professionnel la science des touittes. J’aurais plutôt les sciences inverses : par exemple, je reste balourd avec ces fameux touittes que j’ai découverts il y a quelques mois. Comme je m’y mets lentement, et avec quelle peine ! Si je ne cède pas à l’envie récurrente de laisser tomber ce joujou, c’est d’une part que je sais pouvoir compter sur l’aide de LF, d’autre part, que ce monde touittomane, que j’ai longtemps rejeté dans la fosse commune des blablateurs, découvre chez les Français une réconfortante force d’inventivité, et même une grande réserve d’esprit – confirmant à sa manière que, décidément, le pays n’est pas mort.

            Ceci corrige un peu mon entrée de samedi dernier sur l’ « effondrement de la culture politique », sans toutefois l’annuler : car il y a simultanément du sens et de l’étourderie dans l’ironie générale qui règne sur Touitteur – en sa meilleure part du moins. Comment ne pas s’amuser avec ce très jeune homme qui, après la prestation si évidemment ratée de M. Hollande l’autre jour, écrivait « Je suis comme Fleur Pellerin qui admire l’œuvre de Modiano sans avoir lu un seul de ses livres : je n’ai pas écouté Hollande, mais je sais qu’il a été nul » ? La palme revint à l’ami Guaino, si magnifiquement assassin : « Hollande, deux ans et demi pour ne rien faire ; une heure et demie pour ne rien dire ». Et celui-ci, plus cruel encore, au fond : « bilan du demi-mandat : 500 000 chômeurs en plus, 520 milliards déficits publics en plus, 32 milliards d’impôts en plus ». Je déplorais la raillerie populaire ; mais elle est aussi le signe d’une saine exigence...

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