L'hiver, du moins les
temps sombres, sont tombés d'un coup, ce matin. Il ne se voit plus aucune
feuille aux pauvres branches sur lesquelles s'ouvrent les trois hautes fenêtres
du salon – très visité ces jours-ci depuis que P. m'a convaincu de passer une
annonce dans un journal spécialisé. Du coup, on ne voit plus que les murs
presque aveugles de je ne sais quel département de l'Institut catholique, qui
font à présent un omniprésent et triste vis-à-vis. Il faudrait, si j'en avais,
tirer les rideaux sur cette grisaille et allumer les lampes dès quatre ou cinq
heures de l'après-midi – ce que je fais d'ailleurs, et qui change du tout au
tout l'atmosphère du grand appartement. S'annoncent, pour régner sur ces vastes
pièces, trois ou quatre mois de jours sans soleil, ce qui ne fait certes pas un
argument de vente. Pourtant, il faut bien vendre, tant est basse ces temps-ci
la phynance – basse, certes, elle l'est, au point d'être en dessous, très en dessous
même, du niveau de la mer.
Ne vaudrait-il pas mieux attendre les premiers beaux
jours de mars ou d'avril ? Cette lumière, aussi douces et soyeuses soient les
soirées et les nuits de l'hiver, tout l'attend déjà, comme si la diaprure des
gris, si parisienne pourtant, et si charmante à bien des égards (ah!, les nuits
longues !), n'était qu'une sombre anomalie. L'autre jour, feuilletant un livre
de peinture qui me suit depuis des décennies d'havre en havre (« La peinture
française contemporaine »), que je garde toujours sous la main parce qu'il
montre de très belles reproductions aux couleurs intactes, et que j'expose sur
un lutrin en bois ornant l'une des maies de Mirebeau en tournant de temps en
temps ses pages de sorte qu'il forme un tableau changeant, feuilletant ce grand
livre, donc, je tombais en d'admiration sur le fameux Dufy.
Du coup, j'ai repensé tout à l'heure à notre séjour de
Collioure, puis ai passé une grande heure à regarder sur internet, qui les
restitue mieux que je ne l'aurais pensé, quelques toiles de Matisse, puis la
vie de Matisse, puis celle de Seurat, de Manet, etc. En vint une rêverie sur la
concordance de la France et de la Lumière : le coq du « jour se
lève », qui est l'éternel coq gaulois annonçant le jour, le goût médiéval
du rouge, celui des broderies, des enluminures et des tournois, les châteaux
clairs de la Renaissance tout ouverts sur la campagne angevine ou tourangelle,
les lumières du Roi-Soleil et les jours ensoleillés de Fragonard ou Watteau, la
Lumière qu'ont cherchée les Lumières et celle que difractent les trois couleurs
du drapeau national – Dufy, justement... La lumière est si bien dans le génie
de la France que l'hiver qui la recouvre soudain de brumes n'est qu'un rideau
baissé le temps d'un entracte.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire